Depuis au moins 2009, le Canada se classe parmi les dix premiers pays en termes de nombre de demandes de brevets déposées liées à des technologies d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques1. Ceci n’est pas surprenant - au Canada les innovateurs peuvent compter sur un système judiciaire favorable aux détenteurs de brevets et sur de nombreux incitatifs gouvernementaux encourageant la transition vers des technologies plus vertes. De plus, en raison de l’engagement actuel du Canada à réduire considérablement les émissions de carbone au cours des prochaines années, cette tendance est susceptible de se poursuivre, car le taux d’innovation dans ce domaine augmente à un rythme sans précédent.
Cet article met de l’avant le Programme pour les technologies vertes de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC), un mécanisme simple et économique permettant d’accélérer le traitement des demandes de brevets liées aux technologies vertes. Le présent article met en évidence les avantages de ce programme, avec une emphase particulière sur la façon dont il peut accélérer le processus d’octroi de brevets et les avantages potentiels qui peuvent en découler pour les entreprises innovantes du secteur des technologies vertes.
Qu’est-ce que le Programme pour les technologies vertes de l’OPIC?
Le Programme pour les technologies vertes de l’OPIC permet d’accélérer sans frais supplémentaires le traitement des demandes de brevets qui ont trait aux « technologies vertes » (les frais gouvernementaux habituels pour accélérer l’examen d’une demande sont actuellement d’environ 700 $ CA2), afin que les innovateurs puissent obtenir des brevets visant ce type de technologies sans les délais habituels.
Lorsque l’OPIC a traité une requête d’examen accéléré d’une demande de brevet lié à une technologie verte, le demandeur peut s’attendre à une première communication dans un délai de trois mois3, contrairement au délai typique de quatorze à vingt-quatre mois4 après le début de l’examen. En pratique, cela signifie qu’un brevet peut être accordé en aussi peu que douze mois à compter du début de l’examen, ce qui peut constituer un avantage important selon la façon dont le brevet accordé sera éventuellement utilisé.
Comment utiliser le programme
Les démarches à entreprendre pour accéder au programme sont simples. Une fois qu’une demande de brevet admissible est identifiée, pour bénéficier du programme, une lettre doit être transmise au Bureau des brevets. Cette lettre doit comprendre une demande d’examen accéléré et une déclaration indiquant que la demande de brevet se rapporte à une technologie qui, si commercialisée, aiderait à remédier à des problèmes environnementaux ou à en atténuer les conséquences ou à préserver l'environnement et les ressources naturelles. Si la demande de brevet n’est pas encore publiée, une requête pour que la demande de brevet soit rendue publique devra également être déposée.
Une fois la demande d’examen accéléré et la déclaration présentées, le Bureau des brevets accordera l’examen accéléré sans étude de fond de la demande. Pour cette raison, il est important que le demandeur s’assure que la déclaration d’admissibilité au programme peut être faite de façon légitime.
Quelles demandes de brevets sont admissibles au Programme pour les technologies vertes de l’OPIC?
Les types de technologie admissibles à ce programme sont très variés. Comme il a été mentionné précédemment, les exigences stipulent simplement que « la demande concerne une technologie qui aiderait à remédier à des problèmes environnementaux ou à en atténuer les conséquences ou à préserver l'environnement ou les ressources naturelles »5. Par conséquent, dans la mesure où il peut être raisonnablement établi que la technologie visée par une demande de brevet, si commercialisée, permettrait d’atteindre ces objectifs d’une certaine façon, la demande d’examen accéléré peut être présentée en toute légitimité.
Bien que les demandes de brevets visant les panneaux solaires, les éoliennes et les nouveaux processus de captage du carbone seraient probablement admissibles dans le cadre du programme, de nombreuses autres innovations qui ne sont traditionnellement pas considérées comme étant des technologies vertes en tant que telles pourraient également être admissibles au programme en raison de leur contribution à la cause environnementale de diverses façons.
Voici quelques exemples de technologies qui pourraient être admissibles au programme en raison de leur capacité à remédier à des problèmes environnementaux et(ou) à préserver des ressources naturelles :
- un système de contrôle utilisant l’Intelligence Artificielle (IA) pour optimiser le fonctionnement d’un système de chauffage, ventilation et conditionnement d’air (CVAC);
- des méthodes de production alimentaire plus efficaces;
- des technologies de récupération de la chaleur provenant des déchets industriels;
- des solutions de rechange aux produits chimiques dangereux dans les procédés industriels;
- des logiciels utilisant l’IA pour optimiser la logistique d’une chaîne d’approvisionnement afin de réduire les émissions provenant du transport de marchandise;
- des méthodes de visualisation informatique pour déceler rapidement des fuites dans les pipelines;
- un emballage qui prolonge la durée de conservation des aliments;
- des méthodes pour réduire l’utilisation de matières premières dans le domaine manufacturier, y compris dans les industries de l’emballage et du textile.
Les types d’innovations qui correspondent aux objectifs du programme, à savoir atténuer les impacts environnementaux et préserver les ressources, proviennent d’un large éventail d’industries, et ces innovations ne correspondent pas nécessairement à la définition traditionnelle des « technologies vertes ».
Autres mécanismes pour accélérer l’examen au Canada
D’autres mécanismes d’accélération de l’examen d’une demande de brevet sont disponibles au Canada, notamment l’Autoroute du traitement des demandes de brevets (programme PPH) et la présentation d’une demande d’accélération de l’examen standard (précédemment une demande d’ordonnance spéciale).
Par exemple, l’examen d’une demande de brevet canadien peut être accéléré en vertu du programme PPH, à condition que l’examen de fond n’ait pas commencé au Canada et que les revendications au Canada correspondent (ou soient modifiées pour correspondre) à des revendications acceptées ou octroyées dans une demande de brevet correspondante dans un pays avec lequel l’OPIC a un partenariat en vertu du programme PPH.
Il est également possible d’accélérer l’examen d’une demande de brevet en présentant une demande d’accélération de l’examen standard en vertu de l’alinéa 84(1)a) des Règles sur les brevets, même si l’examen a commencé, pourvu qu’une déclaration est présentée indiquant que le fait de ne pas avancer l’examen, par rapport à l'ordre habituel, porterait préjudice aux droits du demandeur et que les frais gouvernementaux requis soient payés (actuellement d’environ 700 $ CA6).
Chaque mécanisme d’accélération comporte ses propres critères d’admissibilité et ses propres avantages. Le choix du mécanisme approprié pour votre demande dépendra des objectifs escomptés et de votre situation particulière.
Pourquoi les innovateurs devraient-ils envisager le Programme pour les technologies vertes de l’OPIC?
L’obtention plus rapide d’un brevet peut présenter plusieurs avantages. Entre autres, obtenir un brevet plus rapidement peut permettre aux entreprises, en particulier les entreprises en démarrage et les entreprises en expansion, d’attirer des investissements. En effet, un brevet octroyé peut améliorer la perception de la valeur de la technologie et rassurer les investisseurs quant au niveau d’exclusivité dont la nouvelle technologie pourrait bénéficier sur le marché. De plus, obtenir un brevet de manière accélérée confère au titulaire une protection légale plus hâtive, lui permettant de faire valoir ses droits plus rapidement à l’encontre de tout concurrent qui contrefait le brevet en vue d’obtenir une position potentiellement plus forte dans le marché.
Également, bien que les demandes de brevets doivent respecter les exigences juridiques relatives à la brevetabilité, il semble y avoir un biais favorable pour les demandes admissibles dans le cadre de ce programme. Par exemple, en 2021, le taux d’acceptation des demandes de brevets examinées dans le cadre de ce programme était de 95 %7, comparativement à 69 % pour les demandes de brevets standard8, 85 % pour les demandes de brevets examinées dans le cadre d’une demande d’accélération de l’examen standard9 et 90 % pour les demandes de brevets examinées dans le cadre du programme PPH10.
Sous-utilisation du Programme pour les technologies vertes de l’OPIC
Le Programme pour les technologies vertes de l’OPIC est en place depuis 2011, mais son utilisation a été étonnamment limitée. De 2011 à 2022, seulement 545 brevets ont bénéficié d’un examen accéléré dans le cadre du programme11. En revanche, en 2021 seulement, 416 demandes de brevets ont été accélérées par le dépôt d’une demande d’accélération de l’examen standard, et 3 000 demandes ont été accélérées au moyen du programme PPH. Des dizaines de milliers de demandes de brevets sont déposées au Canada chaque année12. Étant donné la vaste portée du programme, de nombreuses demandes de brevets pourraient légitimement y être admissibles.
Compte tenu des exigences pour bénéficier du Programme pour les technologies vertes de l’OPIC et de la variété des demandes de brevets acceptées, le fait de ne pas tenir compte de ce programme pourrait représenter une occasion manquée pour certains innovateurs.
Mot de la fin
L’environnement devrait demeurer l’une des grandes priorités des grandes économies mondiales pour les décennies à venir. L’Accord de Paris, adopté en 2015 par 196 parties à la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21) à Paris, a établi des cibles ambitieuses de réduction des émissions. Dans ce contexte, le Canada s’est engagé à réduire considérablement ses émissions, visant une réduction de 40 à 45 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030 et l’atteinte de la carboneutralité d’ici 205013.
L’atteinte de ces objectifs ne se fera pas seule et dépendra du niveau d’innovation et de la croissance économique. En plus des incitatifs financiers, il sera essentiel de fournir un environnement favorable pour que les innovateurs obtiennent et fassent respecter des droits de propriété intellectuelle (PI) solides pour les innovations découlant de leurs efforts de recherche et développement.
Pour les demandes de brevets admissibles au Programme pour les technologies vertes de l’OPIC, la facilité et la simplicité d’obtenir un examen accéléré rendent ce programme attrayant pour les entreprises innovantes qui cherchent à obtenir rapidement une protection par brevets au Canada afin d’appuyer leurs objectifs d’affaires. En offrant un processus accéléré d'octroi de brevets sans frais supplémentaires, le Programme pour les technologies vertes de l’OPIC procure un avantage évident aux entreprises innovantes en matière de technologies vertes.
Le présent article se veut une mise à jour ponctuelle en matière de droit des technologies et de la propriété intellectuelle en vigueur au Canada. Son contenu est uniquement informatif et ne constitue pas un avis juridique ou professionnel. Si vous souhaitez obtenir un tel avis, nous vous invitons à contacter notre cabinet directement.
Références
- Comme l’indiquent les rapports de l’OPIC intitulés « Innovation verte à l’OPIC » et « Inventions brevetées dans le domaine des technologies d’atténuation du changement climatique ».
- Les frais de 2024 pour demander un examen accéléré sont de 694,00 $ CA et les frais de 2025 seront de 724,54 $ CA. Vous trouverez une liste des frais de l’OPIC pour les brevets ici.
- Comme l’indique la page Web de l’OPIC qui explique le programme.
- Comme l’indique l'explication sur l’examen, et l’acceptation ou le refus de l’OPIC.
- Selon la page Web de l’OPIC qui explique le programme.
- Les frais de 2024 pour demander un examen accéléré sont de 694,00 $ CA et les frais de 2025 sont de 724,54 $ CA. Vous trouverez une liste des frais de l’OPIC pour les brevets ici.
- Selon un rapport de l’OMPI (en anglais seulement).
- Ibid.
- Ibid.
- Selon une présentation de l’OPIC (en anglais seulement).
- Comme on pouvait le voir sur cette page Web archivée de l’OPIC, qui a depuis été supprimée du Web.
- Selon un rapport de l’OPIC.
- Comme l’indique la page Web du gouvernement du Canada « La carboneutralité d’ici 2050 ».
Publications et articles
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