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Modifications à venir au Règlement sur la langue du commerce et des affaires

Rédigé par Francesca Roy et Stéphanie Girard

Le 26 juin 2024, le Règlement modifiant principalement le Règlement sur la langue du commerce et des affaires (le « Règlement ») a été publié dans la Gazette officielle du Québec.

Le Règlement apporte des changements importants au Règlement sur la langue du commerce et des affaires (le « Règlement sur la Charte »), certains étant très différents de ceux proposés par le projet de Règlement qui a été publié le 10 janvier 2024. Nous vous référons à nos articles précédents « Les exigences en matière de langue française au Québec : Publication du projet de règlement modifiant le Règlement sur la langue du commerce et des affaires » et « Règlement modifiant principalement le Règlement sur la langue du commerce et des affaires : points clés d'une récente discussion avec l'OQLF et le ministère de la Langue française », lesquels abordent le projet de Règlement.

Cet article présente notre analyse préliminaire des principaux changements introduits par le Règlement, en commençant par les bonnes nouvelles.

1. Inscriptions dans une langue autre que le français gravées, incrustées ou qui figurent en relief sur des produits

Le Règlement ne contient pas la modification proposée par le projet de Règlement qui aurait considérablement restreint l’exception actuellement prévue par le Règlement sur la Charte selon laquelle les inscriptions sur un produit provenant de l’extérieur du Québec qui sont gravées ou cuites dans le produit lui-même ou qui figurent en relief sur le produit n’ont pas besoin d’être traduites, sauf si elles concernent la sécurité du produit. Du moins pour le moment, l’exception demeure telle quelle.

2. Inscriptions sur les produits utilisant des logiciels embarqués

De même, le Règlement ne contient pas la modification proposée par le projet de Règlement qui aurait clairement rendu l’article 51 de la Charte de la langue française (la « Charte ») applicable aux inscriptions qui sont affichées sur des produits en utilisant des logiciels embarqués.

3. Réintroduction de l'exception de la marque de commerce d’usage pour les inscriptions sur les produits et pour l’affichage public et la publicité commerciale

Les articles 51.1 et 58.1 de la Charte, dont l'entrée en vigueur est prévue le 1er juin 2025, limitent l'exception de la marque de commerce pour les inscriptions sur les produits et pour l’affichage public et la publicité commerciale aux marques enregistrées seulement.

Le Règlement réintroduit l’exception de la marque de commerce d’usage pour les inscriptions sur les produits et pour l’affichage public et la publicité commerciale, à condition qu’aucune version française correspondante de la marque d’usage n’apparaisse au Registre des marques de commerce canadien.1

En ce qui a trait aux inscriptions sur les produits, les marques d’usage sont soumises aux mêmes exigences que celles prévues à l'article 51.1 de la Charte, à savoir qu'un terme générique ou un descriptif d’un produit inclus dans une marque qui n’est pas en français doit être traduit en français et sa traduction française doit figurer sur le produit ou sur un support qui s’y rattache de manière permanente.

En pratique, il est toutefois peu probable que du langage générique ou descriptif figurant sur un produit, tel que ces termes sont définis dans le Règlement (voir ci-dessous), soit perçu par une cour ou un tribunal au Québec comme faisant partie d'une marque de commerce. En d'autres termes, lorsqu'il s'agit de marques de commerce d’usage, tout terme générique ou descriptif devra très probablement être traduit en français, nonobstant la nouvelle exigence introduite par le Règlement.

4. Clarification des termes « générique » et « descriptif de produit »

En vertu de l'article 51.1 de la Charte et de l'article 7.1 introduit par le Règlement, un terme générique ou descriptif inclus dans une marque enregistrée ou une marque d’usage dans une langue autre que le français, doit être traduit en français, et sa traduction française doit figurer sur le produit lui-même ou sur un support qui s’y rattache de manière permanente.

Le Règlement clarifie la portée de ces termes en excluant notamment de ces exigences les noms d’entreprise et de produits. Selon les commentaires reçus à ce jour du ministère de la Langue française et de l’Office québécois de la langue française (« OQLF »), « nom du produit » fait vraisemblablement référence à la marque de commerce associée à un produit comme « BestSoap » dans l’exemple publié par le gouvernement du Québec en janvier 2024 (reproduit ci-dessous).

(Source : Gouvernement du Québec)

Cette précision est la bienvenue, non seulement dans le cadre de la mission de surveillance et de contrôle de l'OQLF, mais également dans le cadre du droit privé d’action du consommateur.

La modification ne traite cependant pas de la situation dans laquelle une marque principale apparaît conjointement avec une marque de produit, ni lorsque des marques secondaires et tertiaires apparaissent également sur des produits, telles que celles associées à un composant, à un ingrédient ou à une technologie incorporée dans un produit.

Il convient également de noter que le Règlement n’inclut pas la modification proposée par le projet de Règlement selon laquelle la traduction en français d’un terme générique ou d'un descriptif de produit inclus dans une marque dans une autre langue doit avoir une importance au moins égale à celle de l'autre langue ou être disponible dans des conditions aussi favorables, tel qu’énoncé à l’article 51 de la Charte. Il subsistera donc une incertitude quant au traitement visuel à donner à la traduction française de tels termes génériques ou descriptifs d’un produit. En outre, le Règlement ne précise pas la signification de l’expression « sur un support qui s’y rattache de manière permanente ».

5. Une marque de commerce pour laquelle une demande d'enregistrement est en cours d’instance ne donnera pas ouverture à l'exception de la marque de commerce

Pour les inscriptions sur les produits, le Règlement n’inclut pas la modification proposée par le projet de Règlement qui aurait élargi la portée de l’article 51.1 de la Charte en faisant également en sorte que les demandes d’enregistrement de marque de commerce au Canada déclenchent l’exception de la marque de commerce.

Cette proposition de modification a été particulièrement bien accueillie par le milieu des affaires, étant donné les longs délais d'examen du Bureau des marques de commerce du Canada. Compte tenu de cette différence importante entre le Règlement et le projet de Règlement, les entreprises pourraient devoir réviser leurs stratégies de conformité avec la Charte et le Règlement sur la Charte.

6. « Affichage dynamique » et exigence de la nette prédominance du français pour les enseignes et affiches publiques et la publicité commerciale

Le Règlement n'introduit pas de modifications significatives par rapport à celles proposées dans le projet de Règlement en ce qui concerne l’exigence de la nette prédominance du français pour les enseignes et affiches publiques et la publicité commerciale.

Le Règlement précise toutefois que pour l’« affichage dynamique », c’est-à-dire lorsqu’un texte en français et dans une autre langue s’affichent en alternance, le français sera réputé avoir un impact visuel plus important de sorte à satisfaire l’exigence de la nette prédominance si le texte en français est visible au moins deux fois plus longtemps que celui dans l’autre langue.

7. Période de grâce pour se conformer à l'article 51.1 de la Charte et à l'article 7.1 introduit par le Règlement pour les produits fabriqués avant le 1er juin 2025

Le Règlement maintient une période de grâce jusqu'au 1er juin 2027 pour permettre aux entreprises de se conformer à l'article 51.1 de la Charte et à l'article 7.1 introduit par le Règlement pour les produits fabriqués avant le 1er juin 2025, à condition qu'aucune version française de la marque n'ait été enregistrée au 26 juin 2024.

En vertu du Règlement, cette période de grâce s’appliquera également aux produits assujettis aux nouvelles normes d’étiquetage prévues par le Règlement modifiant le Règlement sur les aliments et drogues (symboles nutritionnels, autres dispositions d’étiquetage, vitamine D et graisses ou huiles hydrogénées) et le Règlement modifiant le Règlement sur les aliments et drogues et le Règlement sur le cannabis (aliments supplémentés) fabriqués entre le 1er juin 2025 et le 31 décembre 2025.

Le texte du Règlement est disponible sur le site Internet de la Gazette officielle du Québec.

Référence

1. Règlement, paragraphe 2, article 7.1 et paragraphe 4, article 25.1.