La version française de cet article est rédigée par Francesca Roy et Christian Bolduc.
Ceci est la Partie 1 de notre série Mise à jour de PI consacrée aux jetons non fongibles (NFTs).
- Partie 2 : Marque de commerce et Métavers - comment les titulaires de marques peuvent accroître leur présence dans les mondes virtuels
Contexte
Les jetons non fongibles (Non-Fungible Tokens ou
« NFT ») sont la dernière avancée en termes d’innovations technologiques liées à la « chaine de blocs » (la blockchain), cette fois dans le monde de l'art
numérique, des objets de collection et même des produits de luxe. Les maisons de vente aux enchères ont déjà commencé à exploiter cette technologie : une œuvre d'art numérique a
récemment été vendue 69$ millions de dollars chez Christie's1 et une visualisation du code source d'Internet a été vendue 5$ millions
de dollars chez Sotheby's2. Des marques de luxe, comme LVMH, Prada et Cartier, collaborent au développement de la première chaîne de blocs haut
de gamme mondiale qui utilisera les NFT3. Mais que sont exactement les NFT et pourquoi attirent-ils tant l'attention aujourd'hui ?
Les NFT sont des jetons numériques qui peuvent être utilisés comme des certificats de propriété d'actifs numériques uniques sur la blockchain Ethereum.
Comme leur nom l'indique, les NFT sont des biens "non fongibles", ce qui signifie qu’ils ne sont pas interchangeables avec d'autres biens de même nature en raison de leurs propriétés uniques, à l'instar par exemple
de la propriété d'une voiture identifiée par un numéro d'identification du véhicule unique. Tout actif numérique peut être « tokenisé » en un NFT par le biais du
processus de "minage", qui implique l'exécution d'une ligne de code informatique (un Contrat Intelligent) sur la chaine de blocs Ethereum pour en attribuer la propriété et gérer la transférabilité
de l'actif. En raison de leur succès et de l'intérêt qu’ils suscitent, plusieurs autres chaines de blocs sont en train d'ajouter la fonctionnalité NFT. L'une des principales caractéristiques des chaines
de blocs est que l'enregistrement de la propriété ne peut être modifié. En somme, un NFT fournit un droit de propriété fiable et vérifiable de l’actif numérique « tokenisé ».
Qu'est-ce que l’Ethereum ?
Ethereum est une plateforme blockchain dotée de sa propre crypto-monnaie, l’Ether (ETH) ou Ethereum, et de son propre langage de programmation, appelé Solidity.
En tant que réseau blockchain, Ethereum est un registre public décentralisé permettant de vérifier et d'enregistrer les transactions. Les utilisateurs du réseau peuvent créer, publier, monétiser et utiliser des applications sur la plateforme, et utiliser la crypto-monnaie Ether comme moyen de paiement. Les initiés appellent les applications décentralisées du réseau les "DApps".
En date de mai 2021, l'Ethereum (comme crypto-monnaie) avait la deuxième plus grande valeur marchande après le Bitcoin.
Être propriétaire d’un NFT n’équivaut pas à être propriétaire de l'actif numérique sous-jacent.
Les acheteurs de NFT doivent savoir que même si la propriété de l’actif numérique authentique est établie par la propriété du NFT, l’actif numérique lui-même peut être
vu, téléchargé et apprécié par tout le monde (par exemple, les œuvres d'art vendues chez Christie's peuvent être trouvées en ligne4). En fait, les conditions de vente de Christie's indiquent clairement5 :
« Votre achat du lot ne vous confère aucun droit, exprès ou implicite, sur (y compris, mais sans s'y limiter, tout droit d'auteur ou autre droit de propriété intellectuelle) l'actif numérique sous-jacent
au NFT...»
Pour faire un parallèle avec le monde de l'art traditionnel, posséder un NFT revient à posséder une impression unique d'une œuvre d'art signée par l'artiste, alors que plusieurs autres personnes peuvent simultanément être titulaire d’impressions identiques non signées. Comme nous le verrons plus loin, l'artiste conserve son droit d'auteur sur l'œuvre représentée par NFT.
L'achat d’un NFT ne confère aucun droit d'auteur sur l'œuvre numérique.
Au Canada, pour que le droit d'auteur soit transféré à un acheteur, il faut une cession constatée par écrit de la part du titulaire du droit d'auteur. Une telle cession pourrait optionnellement être incluse
dans le Contrat Intelligent exécuté afin de « minter » le NFT, mais à ce jour ce n'est généralement pas le cas. Si l'acheteur souhaite acquérir le droit d'auteur, une vérification
diligente devra être faite pour s'assurer que le contrat inclut ce droit. Comme indiqué ci-dessus, le transfert des droits peut également être abordé dans les conditions de vente de la maison de vente aux enchères,
lesquelles sont distinctes du contrat lié au NFT. Par exemple, Christie's précise les droits qu'un acheteur ne se voit pas transférés :
« ... vous n'avez pas le droit de distribuer, ou de commercialiser de toute autre manière le bien numérique, ou de revendiquer ou prétendre à quelque sorte de parrainage, approbation, affiliation ou autre
relation avec le vendeur et/ou le créateur du bien numérique sans l'autorisation préalable du vendeur ou de la ou des parties qui détiennent ces droits.»
Acheteurs d’NFT soyez prudent : afficher, reproduire ou « minter » une œuvre d’art numérique peut constituer une violation de droit d'auteur.
Le fait que les NFT soient numériques et relativement accessibles accentue le risque de violation de droit d’auteur de l’œuvre d’art numérique sous-jacente, même par inadvertance. Comme toute image disponible
en ligne, les NFT peuvent facilement être imprimées sur un support physique, affichées dans des cadres numériques6 ou partagées
sur des forums en ligne, après avoir accédé à l'œuvre numérique via le lien disponible dans la transaction NFT (qui peut être inspectée par n'importe qui sur la blockchain Ethereum - voir
par exemple la transaction d’une œuvre vendue sur Christie's 7). C'est une infraction que de faire avec une œuvre un acte que seul le titulaire
du droit d'auteur a le droit de faire, à moins que cet acte ne soit autorisé ou ne relève d'une exception d'utilisation équitable. En outre, certaines personnes pourraient croire qu'une œuvre numérique
qu'elles possèdent (mais dont elles ne sont pas l’auteur) peut être « mintée » et vendue sous forme de NFT. Toutefois, cela constituerait probablement une violation de droit d'auteur puisque,
ce faisant, ces personnes distribueraient l'œuvre et la rendraient accessible au public sans autorisation.
Conclusion
Les NFT créent un marché émergent pour les artistes et les collectionneurs, qui peuvent vendre leurs actifs numériques uniques « signés » d'une façon qui met également à la disposition du public des copies « non signées ». Les vendeurs et les acheteurs de NFT doivent s'assurer qu'ils comprennent les implications en matière de droit d'auteur de la transaction. En outre, toute personne cherchant à faire un usage significatif d'une image NFT (par exemple, la vendre, la distribuer ou en archiver des copies) devrait obtenir l’avis d’un conseiller juridique pour s'assurer d’avoir vérifié toutes les questions de droit d'auteur.
Références
Publications et articles
-
Guide pratique de l’OQLF visant les marques de commerce sur les produits
Le 26 juin 2024, le Règlement modifiant principalement le Règlement sur la langue du commerce et des affaires (le « Règlement ») a été publié dans la Gazette officielle du Québec. Depuis, l’Office qué...Lire la suite