Cet article a été publié en anglais par le World Trademark Review le 25 mars 2020. Il a été republié avec l'autorisation de l'auteur.
Si la publicité comparative peut être un outil efficace pour comparer et opposer des marques de commerce concurrentes, il existe des limites quant aux allégations qui peuvent être légalement faites. Une de ces limites est prévue par l'article 22 de la Loi sur les marques de commerce qui interdit l'emploi «d’une marque de commerce déposée par une autre personne d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce».
Le libellé ordinaire de l'article 22 de la Loi sur les marques de commerce laisse entendre qu'une demande en dépréciation de l’achalandage peut être limitée à l'emploi de marques de commerce déposées. Toutefois, dans la décision Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, la Cour suprême du Canada a conclu que de telles allégations pouvaient s’étendre à l’emploi de marques dont la ressemblance suffit avec la marque déposée pour établir, dans l’esprit des consommateurs un lien entre les deux marques qui est susceptible de déprécier la valeur de l’achalandage attaché à la marque déposée1. Aujourd'hui, dans le cadre2 d’un litige portant sur l'utilisation de « la marque du lapin » et de « l’autre marque concurrente la plus populaire » dans la publicité comparative pour les piles Duracell, la portée de la dépréciation de la valeur de l’achalandage est à nouveau en cause.
Bien qu'une décision récente de la Cour d'appel fédérale fasse3 en sorte que cette question ne puisse être tranchée avant procès, l'issue pourrait avoir une incidence importante sur la publicité comparative au Canada.
Contexte
Les deux s marques concurrentes les plus populaires de piles au Canada sont DURACELL et ENERGIZER. En 2014, Duracell a commencé à utiliser des étiquettes sur l'emballage de ses piles de marque DURACELL comportant les affirmations suivantes : « Durent jusqu’à 15% plus longtemps que les piles de l’autre marque concurrente la plus populaire » et « Durent jusqu'à 20 % plus longtemps vs. les piles (…) de la marque du lapin ». Energizer a intenté une action contre Duracell en faisant valoir que les affirmations sur les étiquettes de Duracell sont susceptibles de déprécier la valeur de l'achalandage attaché aux marques de commerce d'Energizer, ce qui est contraire à l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce4 . Les marques déposées d'Energizer comprennent les dessins–marques suivants pour sa mascotte, le lapin rose ENERGIZER:
Duracell a présenté une requête en jugement sommaire visant à faire radier certaines allégations de la demande d’Energizer en dépréciation de l’achalandage au motif que ni « la marque du lapin » ni «l’autre marque concurrente la plus populaire »ne sont des marques déposées détenues par Energizer. En réponse, Energizer a fait valoir que ces expressions évoquent une association avec les marques déposées d’Energizer. En première instance, la Cour fédérale a refusé de radier les allégations de la demande relatives à l'emploi de « la marque du lapin », estimant que « le consommateur plutôt pressé ferait certainement une association dans son esprit... entre l’expression « la marque du lapin »employée par Duracell sur ses emballages de piles et les marques de commerce Lapin ENERGIZER »5. Cependant, la Cour fédérale a accepté de radier les allégations de la demande d'Energizer relatives à l'emploi de « l’autre marque concurrente la plus populaire ». Sur la base de la preuve dont elle disposait, la Cour fédérale ne pouvait conclure que le consommateur plutôt pressé comprendrait que «l’autre marque concurrente la plus populaire » renvoyait à Energizer et ses marques déposées. 6 Energizer a fait appel de la décision.
Décision de la Cour d’appel fédérale
L’appel d’Energizer portait sur la question de savoir si la Cour fédérale a excédé la portée de l’avis de requête de Duracell, ce qui soulevait une pure question de droit, à savoir si les expressions « la marque du lapin » et « l’autre marque concurrente la plus populaire » pouvaient constituer le fondement d’un recours en vertu de l’article 22 de la Loi, même si ces expressions n’étaient ni des marques déposées ni des fautes d’orthographe mineures des marques déposées d’Energizer. Energizer a fait valoir que la Cour fédérale a outrepassé la portée de la requête de Duracell et a commis une erreur en répondant à la question de savoir si les expressions étaient en fait suffisamment semblables aux marques déposées d’Energizer pour évoquer dans l’esprit des consommateurs une association entre les marques qui est susceptible de déprécier la valeur de leur achalandage.
La Cour d'appel fédérale a donné raison à Energizer. Elle a accueilli l’appel et rejeté la requête en jugement sommaire quant aux allégations de la demande d’Energizer en dépréciation de l’achalandage sur la base de l’emploi de « l’autre marque concurrente la plus populaire ». Ce faisant, elle a conclu que la Cour fédérale avait commis une erreur en privant Energizer de la possibilité de faire valoir son point de vue sur la question.7
Conclusion
Comme indiqué précédemment, la décision de la Cour a confirmé que la portée de l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce s’étend au-delà de l’emploi d’une marque identique à la marque de commerce déposée d’une entreprise et peut fournir une arme efficace contre les campagnes publicitaires comparatives préjudiciables qui font usage de toute marque ou expression que les consommateurs associeraient à une marque de commerce déposée d’un demandeur.
L'action d'Energizer teste les limites des recours en dépréciation de l'achalandage en vertu de l'article 22 et la détermination de ces limites pourrait avoir un impact significatif sur la portée des allégations permises dans la publicité comparative. Bien que le récent rejet par la Cour d'appel fédérale de la requête en jugement sommaire de Duracell ait évité de traiter carrément de ces limites, cela pourrait ultimement apporter plus de clarté si la portée de la demande d'Energizer pour dépréciation de l'achalandage est déterminée après le procès avec l'avantage d'un dossier de preuve complet. En attendant, notre récent article sur la publicité comparative dans les assurances pour animaux de compagnie dans Petline Insurance Company c Trupanion Brokers Ontario Inc, 2019 CF 1450, explore également ces questions.
Duracell a jusqu'au 19 avril 2020 pour demander l'autorisation d'appel de la Cour suprême du Canada.
Si vous avez des questions sur ce qui précède, n'hésitez pas à contacter un membre des groupes Marques de Commerce ou Marketing et Publicité de notre cabinet.
1. Veuve Clicquot Ponsardin v Boutiques Cliquot Ltée, 2006 SCC 23 at para 38 (“Veuve”); 2. Energizer Brands et al v The Gillette Company et al , T-1591-15; 3. Energizer Brands LLC v The Gillette Company , 2020 FCA 49; 4. Trademarks Act , RSC, 1985, c T-13, s. 22; 5. 2018 FC 1003 at para 65; 6. 2018 FC 1003 at para 69; 7. 2020 FCA 49 at para 49.
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