La langue française détient le statut de langue officielle dans la province de Québec en vertu de la Charte de la Langue Française (RLRQ c. C-11) (la « Charte »), rendant ainsi l'usage
de cette langue obligatoire dans toutes les sphères de la vie publique de la province, y compris le commerce et les affaires. La Charte s'applique aux entreprises ayant un établissement dans la province de Québec et, à
certains égards, aux entreprises qui vendent leurs produits et offrent leurs services au Québec sans nécessairement y être établies.
Le 13 mai 2021, le gouvernement du Québec a présenté la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (la « Loi 96 »), avec l’objectif de mieux protéger
la langue française et de promouvoir son utilisation dans la province de Québec. Adoptée le 1er juin 2022, la Loi 96 apporte d'importantes modifications à la Charte. Cet article se concentre sur les modifications touchant
la langue du commerce et des affaires introduites par la Loi 96 et, plus particulièrement, sur l'exception de la « marque de commerce reconnue ».
La règle générale sous la Charte
La règle générale sous la Charte est que toute inscription apposée sur un produit, son emballage ou la documentation qui l’accompagne (par exemple, les manuels d'instruction, les certificats de garantie, le matériel
promotionnel et les coupons rabais) ou figurant sur une publication de nature commerciale (par exemple, les catalogues, les brochures, les factures, y compris les sites Internet et les médias sociaux) doit être soit en français,
soit en français et dans une autre langue, à la condition que le texte dans une autre langue ne se voit pas accorder plus d’importance ou d’emphase que le texte français (notamment en termes de taille, d’emplacement,
de police et de couleur).
En ce qui concerne l'affichage public et la publicité commerciale, la règle générale est que tout message affiché dans un lieu accessible au public (par exemple, sur les enseignes, les affiches et les panneaux) doit
être en français, ou en français et dans une autre langue à la condition que le français soit « nettement prédominent », ce qui signifie que le texte en français doit avoir un impact
visuel plus important que le texte dans une autre langue. Il existe certaines situations où seul le français peut être utilisé.
L’exception de la « marque de commerce reconnue »
Présentement, en vertu de la Charte et du Règlement sur la langue du commerce et des affaires (RLRQ c. C-11, r 9) (le « Règlement »), une marque de commerce enregistrée ou employée
au Canada de façon à y avoir acquis une certaine notoriété (c'est-à-dire une marque de « common law ») peut figurer sur des produits, des publications de nature commerciale ou des enseignes
publiques et des publicités commerciales exclusivement dans une langue autre que le français, à moins qu’une version française de la marque n’ait été enregistrée au Canada (ce que l’on
nomme couramment l’exception de la « marque de commerce reconnue »).
Lorsqu'une « marque de commerce reconnue » dans une autre langue que le français est visible depuis l'extérieur d'un immeuble, un terme générique, un slogan et/ou toute autre mention en français
doit apparaître de manière permanente sur l'enseigne ou sur la façade de l’immeuble, dans le même plan visuel que l'enseigne et avec la même visibilité que la « marque de commerce reconnue »,
afin d'informer les consommateurs et les passants de la nature du commerce et de ses activités. Cette exigence supplémentaire d’une « présence suffisante du français » est obligatoire pour l’affichage
à l’extérieur d’un immeuble.
Changements à venir concernant l'exception de la « marque de commerce reconnue »
La Loi 96 a amendé la Charte pour y introduire les articles 51.1 et 58.1, qui se lisent comme suit :
51.1. Malgré l’article 51, sur un produit, une marque de commerce déposée au sens de la Loi sur les marques de commerce (Lois révisées du Canada (1985), chapitre T-13) peut être rédigée, même en partie, uniquement dans une autre langue que le français lorsqu’aucune version correspondante en français ne se trouve au registre tenu selon cette loi. Toutefois, si un générique ou un descriptif du produit est compris dans cette marque, celui-ci doit figurer en français sur le produit ou sur un support qui s’y rattache de manière permanente.
58.1. Malgré l’article 58, dans l’affichage public et la publicité commerciale, une marque de commerce peut être rédigée, même en partie, uniquement dans une autre langue que le français, lorsque, à la fois, elle est une marque de commerce déposée au sens de la Loi sur les marques de commerce (Lois révisées du Canada, chapitre T-13) et qu’aucune version correspondante en français ne se trouve au registre tenu selon cette loi.
Toutefois, dans l’affichage public visible depuis l’extérieur d’un local, le français doit figurer de façon nettement prédominante, lorsqu’une telle marque y figure dans une telle autre langue.
Ainsi, à partir du 1er juin 2025, l’exception de la « marque de commerce reconnue » sera restreinte aux seules marques de commerce enregistrées pour les inscriptions sur les produits, l'affichage public et la publicité
commerciale. Dans ces cas, les marques de « common law » ne pourront plus bénéficier de l'exception de la « marque de commerce reconnue » et devront donc être traduites en français.
Les titulaires de marques de commerce doivent savoir que le délai d'examen actuel à l'Office de la propriété intellectuelle du Canada est d'environ 43 mois à compter du dépôt d'une demande. Il est possible
de réduire le délai d'examen à environ 21 mois, et ainsi augmenter la probabilité d'enregistrer une marque de commerce avant le 1er juin 2025, si tous les produits et/ou services couverts par la demande figurent sur la
liste préapprouvée du Manuel des produits et services.
De plus, pour les inscriptions sur les produits, si la marque de commerce enregistrée comprend un terme générique ou un descriptif du produit dans une langue autre que le français, celui-ci devra figurer en français
sur le produit ou sur un support qui s’y rattache de manière permanente. L’interprétation que fera l'Office québécois de la langue française (l'institution publique chargée de l'application
de la Charte et du Règlement) (l’ « OQLF ») des expressions « générique » et « description du produit » dans ce contexte est encore incertaine. Par
ailleurs, nous ne savons pas précisément à quoi fait référence un « support qui se rattache de manière permanente au produit ». Les modifications attendues au Règlement et les
nouveaux guides pratiques de l’OQLF apporteront certainement plus de clarté à ce sujet.
Pour les inscriptions figurant sur les enseignes publiques visibles depuis l'extérieur d’un local, l'exigence actuelle d’une « présence suffisante du français » (c’est-à-dire, la langue
française doit figurer sur l'enseigne ou à proximité et décrire la nature du commerce) sera remplacée par l'exigence plus contraignante que le français devra être « nettement prédominant »
(c’est-à-dire, la langue française devra avoir un impact visuel plus important que le texte dans l'autre langue).
La Loi 96 ne limite pas l'exception de la « marque de commerce reconnue » aux marques enregistrées en ce qui concerne l'emballage des produits, les documents qui les accompagnent et les publications de nature commerciale.
Les modifications attendues au Règlement pourraient néanmoins changer cette situation.
Pour en apprendre davantage au sujet de la Loi 96 et des changements apportés aux dispositions de la Charte et de ses règlements connexes, n’hésitez pas à contacter un membre de notre groupe Marques de commerce et protection des marques .
Le présent article se veut une mise à jour ponctuelle en matière de droit des technologies et de la propriété intellectuelle en vigueur au Canada. Son contenu est uniquement informatif et ne constitue pas un avis juridique ou professionnel. Si vous souhaitez obtenir un tel avis, nous vous invitons à contacter notre cabinet directement.
Cet article, « La Loi 96 et son impact sur les exigences en matière de langue française au Québec », a été initialement publié en langue anglaise dans le World Trademark Review (WTR) et reproduit avec l'autorisation de l'éditeur. La traduction française de l’article a été préparée par le cabinet Smart & Biggar.
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