Les innovations découlant des activités de recherche et de développement (R&D) sont susceptibles d’être protégées en vertu d’une vaste gamme de droits de propriété intellectuelle (ci-après, « PI ») tels que les brevets, les certificats de protection supplémentaire pour médicaments brevetés, le droit d’auteur et les certificats d’obtention végétale. De manière à encourager les entreprises à investir dans la recherche et le développement (R&D) qui contribuent à la croissance économique, les gouvernements de divers pays ont mis en place certains incitatifs fiscaux (communément appelés « patent box » ou, de manière plus générale, « IP box ») dont l’objectif est d’accorder un avantage fiscal lorsqu’il y a commercialisation d’actifs de PI découlant de la R&D.
Dans la mesure où la première province canadienne à offrir des incitatifs fiscaux au moyen d’un IP box fut le Québec, le présent article a pour but d’exposer les principales caractéristiques de la version de l’IP box actuellement en vigueur et d’expliquer de quelles manières les entreprises québécoises peuvent travailler de concert avec leurs experts fiscaux et conseillers en PI en vue de tirer le maximum des déductions auxquelles elles ont droit afin d’optimiser le rendement de leurs investissements.
En quoi consiste l’IP box québécois?
Adopté et mis en place en 2016, l’IP box québécois était le premier incitatif fiscal de ce genre à voir le jour au Canada. La version actuelle (connue sous le nom de déduction incitative pour la commercialisation des innovations – ou « DICI ») s’applique aux exercices fiscaux ayant débuté après le 31 décembre 2020. D’un point de vue pratique, la DICI permet à une société innovante admissible de réduire (de 11.5% jusqu’à un possible 2%) le taux d’imposition fiscale québécois applicable à la portion admissible du revenu généré par un actif de propriété intellectuelle admissible (ci-après, un « APIA »).
Par définition, une « société innovante admissible » détient un établissement et exerce des activités d’affaires au Québec, encourt des dépenses reliées à la recherche et au développement, et génère des revenus par l’entremise de la commercialisation d’un actif de propriété intellectuelle admissible au Québec ou ailleurs dans le monde.
On entend par « actif de propriété intellectuelle admissible » (APIA) un bien incorporel dont la société innovante admissible est propriétaire, qui résulte d’activités de R&D réalisées au Québec (que ce soit en totalité ou en partie), et qui, en pratique, correspond à :
- une invention protégée par un brevet ou un certificat de protection supplémentaire (pour laquelle la demande n’est pas antérieure au 18 mars 2016);
- un logiciel créé après le 10 mars 2020 et faisant l’objet d’une protection par voie de droits d’auteur; ou
- une variété végétale protégée en vertu d’un certificat d’obtention végétale (pour laquelle la demande n’est pas antérieure au 11 mars 2020).
On entend par « revenu » généré par la commercialisation d’un APIA, le revenu brut pouvant raisonnablement être attribué à un établissement de la société innovante situé au Québec, et qui, en pratique, correspond à :
- un revenu provenant de la vente, d’une licence, de la location ou du prêt d’un bien incorporant l’APIA;
- un revenu provenant de la prestation d’un service intrinsèquement lié à l’APIA; a
- un paiement reçu pour l’usage (ou la concession de l’usage) de l’APIA; ou
- un montant obtenu à titre de dommages-intérêts dans le cadre d’un litige impliquant l’APIA.
Bien qu’il n’existe actuellement aucune exigence à l’effet que l’APIA doit résulter d’activités de R&D réalisées en sol québécois, il sera nécessaire, en regard de tout exercice fiscal débutant après le 31 décembre 2023, que les dépenses de R&D encourues au Québec soient directement reliées à la création, au développement ou à l’amélioration d’un APIA.
Avantages offerts par la DICI
L’IP box québécois offre plusieurs avantages aux entreprises évoluant au sein de la province.
Parce qu’elle s’applique à un vaste éventail d’actifs de propriété intellectuelle (comprenant, notamment, inventions, certificats de protection supplémentaire pour médicaments brevetés, logiciels et obtentions végétales), la DICI s’avère accessible aux entreprises opérant dans toutes sortes d’industries, et non seulement celles du secteur manufacturier (auquel une version antérieure de la DICI était limitée). En pratique, cela signifie que la DICI est maintenant susceptible d’offrir certains avantages fiscaux à un grand nombre d’entreprises œuvrant dans le domaine informatique, y compris celles qui se spécialisent dans la production de jeux vidéo, la fourniture de services infonuagiques, le développement d’intelligence artificielle et d’autres activités de pointe. Certaines sociétés évoluant au sein de l’industrie agricole et des sciences de la vie (y compris, notamment, les secteurs du cannabis et des biotechnologies qui, au Canada, connaissent un essor sans précédent) pourront, elles aussi, bénéficier d’avantages fiscaux non négligeables si les circonstances s’y prêtent.
Il importe de préciser que la DICI s’applique non seulement à un brevet émis, mais aussi à une demande de brevet en instance (pourvu qu’elle ait été déposée après le 18 mars 2016 et donne lieu à l’émission d’un brevet à l’intérieur d’un délai de cinq (5) ans). De plus, la demande de brevet sur laquelle repose une demande de déduction fiscale peut avoir été déposée au Bureau des brevets de n’importe quelle juridiction – y compris le Canada, mais sans s’y limiter. Autre indicateur de flexibilité : le revenu admissible, pour sa part, peut provenir de ventes réalisées au sein de pays autres que ceux auprès desquels une protection par voie de brevet a été demandée.
Notons au passage que contrairement à la mouture originale de la DICI de 2016, il n’est plus nécessaire de démontrer la contribution relative de l’APIA au revenu net découlant de la commercialisation d’un produit ou un service, seul le revenu brut associé à un APIA importe au calcul de la DICI. Cela dit, dès que les revenus bruts associés à un premier APIA donnent naissance à une déduction fiscale en lien avec la DICI, il ne peut y avoir d’avantages supplémentaires si ces mêmes revenus bruts s’avèrent associés à un deuxième APIA, ou un troisième, ce qui est tout à fait logique.
Quelques réserves…
Bien que la DICI puisse, à première vue, sembler fort avantageuse aux yeux de plusieurs sociétés soumises au régime d’imposition québécois, certaines limites et restrictions doivent être prises en compte.
Dans un premier temps, le bénéfice maximal que propose la DICI (i.e., un taux d’imposition provincial de 2% sur le revenu admissible) ne pourra être envisagé que si (entre autres choses) le revenu admissible en question provient d’activités en lien avec l’octroi de licences ou correspond à des dommages-intérêts versés dans le cadre d’un litige. Si le revenu admissible découle plutôt de la vente de biens ou de la prestation de services (comme cela est très souvent le cas), l’avantage fiscal offert par la DICI sera de moindre valeur.
Deuxièmement, alors que plusieurs sociétés sont déjà habituées à la réclamation de crédits d’impôt fondés sur la recherche scientifique et le développement expérimental (RS&DE) et sont en mesure de produire des documents démontrant un lien direct entre les dépenses de R&D et la création, le développement ou l’amélioration d’un APIA…plusieurs autres entreprises ne le sont pas – notamment cette situation peut s’appliquer à certaines sociétés œuvrant dans le domaine du développement de logiciel. Par conséquent, une entreprise ayant créé un logiciel pouvant être de grande valeur et à l’intérieur du délai prescrit, peut néanmoins s’affronter à des difficultés lorsqu’il est temps de réclamer la DICI, faute de documentation démontrant que le logiciel est le résultat de R&D.
Troisièmement, la formule-type que retiennent les autorités fiscales québécoises prend pour acquis que toute entreprise génère un « rendement de base » qui n’est attribuable à aucun AIPA – ce qui, en pratique, fait en sorte qu’un avantage fiscal (quel qu’il soit) ne sera disponible qu’aux sociétés qui génèrent un certain revenu net minimal et atteignent, ce faisant, une certaine marge bénéficiaire minimale.
De plus, toute demande de brevet en instance que l’on invoque au soutien d’une réclamation de DICI doit mener à l’octroi d’un brevet au cours des cinq (5) année suivantes – à défaut de quoi les déductions fiscales consenties à l’égard d’années antérieures pourraient être annulées et faire l’objet de procédures de recouvrement.
En dernier lieu, il importe de prendre en considération les coûts additionnels associés à la mise en place et à la gestion d’un programme axé sur la production de demandes de DICI – qui, par la force des choses, requerra l’intervention d’experts en fiscalité et en PI certifiés.
Comment tirer profit de l’IP box québécois
Il est certainement à prévoir que le fait d’intégrer un avantage de la nature d’une déduction fiscale à un domaine d’activité aussi complexe que la propriété intellectuelle, entraînera l’apparition de questions et d’enjeux de toute première importance. Dans un tel contexte, toute entreprise intéressée devrait retenir les services d’experts de la fiscalité et de la PI si elle souhaite tirer un profit optimal des avantages offerts par la DICI.
N’hésitez pas à contacter l’un des membres de notre Groupe Consultatif Stratégique en PI si vous avez quelque question à soumettre en regard de ce qui précède.
Le présent article se veut une mise à jour de l’état du droit canadien en matière de technologies et de propriété intellectuelle. Son contenu étant de nature purement informative, il ne s’y trouve absolument rien qui doive être assimilé à une opinion juridique ou autrement professionnelle. Si vous souhaitez obtenir une telle opinion, il importe de contacter notre cabinet directement.
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